HOMMAGE  À  ARTHUR  BATUT

 
 
Quand Batut commença à penser à la photographie aérienne par cerf-volant, il s'agissait d'un monde inconnu. Il est entré dans cette aventure comme un pionnier. A chaque pas, il devait créer les outils qui seraient les plus appropriés. Non seulement la combinaison entre le design du cerf-volant, les caractéristiques techniques de l'appareil photographique, le traitement de développement, et le vol du cerf-volant devait aboutir, mais dans chaque secteur de sérieuses possibilités techniques devaient être améliorées.
 
Pour cette invention, les principaux ingrédients nécessaires étaient:
CERF-VOLANT:
un cerf-volant
une ligne
une méthodologie

PHOTOGRAPHIE

un appareil
un film
un déclenchement
 
  LE DÉFI.
 
Dans les années 1880's beaucoup de photographies aériennes à partir d'ascensions humaines en ballon n'étaient pas réussies.  La photographie aérienne par cerf-volant était encore plus hardie.
 
 A l'exception d'un unique cerf-volant créé deux années auparavant, les caractéristiques des cerfs-volants connus ne convenaient pas.
Les lignes étaient lourdes et peu fiables. Il fallait les sélectionner avec rigueur. Le fil d'acier était utilisé mais nécessite un dévidoir spécial et ne pouvait facilement être manipulé et déplacé.
Il n'y avait non plus aucune méthodologie de vol et les applications scientifiques venaient de se répandre seulement quelques années plus tôt.
Les chambres photographiques étaient lourdes, les obturateurs trop lents et les émulsions photographiques pas assez sensibles.  Les objectifs avaient un faible angle de vue. Les objectifs avec un grand angle de vue n'ouvraient pas suffisamment.
 Les systèmes de retardateur devaient être adaptés. La plupart des solutions nouvelles, électriques, minuteries étaient lourdes.
CERF-VOLANT
 
A. Batut a repris toutes les cerfs-volants disponibles et après réflexion a choisi le "cerf-volant sans queue", de J. Esterlin.
Le plan avait été publié le  28 février 1887 dans le magazine hebdomadaire La Nature . C'est un cerf-volant losange arqué.

A. Batut l'a personnalisé. L'ossature a été allégée; même s'il vole sans queue, A. Batut a ajouté une queue à papillottes  pour modérer les mouvements de l'appareil. A. Batut l'a aussi fait voler en train. Les dimensions sont 2,5 m en hauteur, 1,75m en largeur, et il pèse 1, 8 kg. D'abord fait en papier, le cerf-volant a ensuite été fabriqué en tissu. Quand il a été créé le cerf-volant en losange d'Esterlin donnait un angle plus élevé, une meilleure traction, et une stabilité meilleure comparé aux autres cerfs-volants. C'était le meilleur cerf-volant avec les qualités requises pour l'aérophotographie, donnant à A. Batut les meilleures chances de réussir.
 

 

 

Dans les pays Européens et Américains, la création de J.Esterlin était le premier cerf-volant moderne et le premier cerf-volant avec dièdre. Plus tard, en 1891, Eddy (USA) a commencé à essayer un cerf-volant sans queue et après avoir vu le cerf-volant de Malaisie, aboutit à l'Eddykite en 1884. Woglom (USA) a étudié les cerfs-volants orientaux et ensuite, s'en inspirant, a conçu le cerf-volant arqué et sans queue, le Parakite, qu'il utilisait en train. Plus tard le Levitor de Baden F. S. Powell (Angleterre) et le cerf-volant cellulaire de Hargrave (Australie) furent créés.

Les silhouettes des cerf-volants losanges ci-dessus ont tous la même hauteur de mat.

Sur le cerf-volant d' Esterlin, voir l'article de P. Mazieres dans le NCB n° 137 sorti en 2007.

  LIGNE
 
A. Batut recommendait une ficelle de chanvre. Il choisit la plus légère avec une résistance suffisante, Ø 3.5mm. Il a aussi conçu et recommandé un dévidoir en bois pour une facilité de manoeuvre.
Il plaça un élastique entre la bride et la ligne pour amortir les poussées des rafales sur le cerf-volant. Il utilisait une olive en bois pour un accrochage rapide de la ligne.
 

 

 

A. Batut n'ignorait pas l'utilisation de fil d'acier préféré par plusieurs utilisateurs de cerfs-volants pour des expériences, et en particulier en France pour les expériences d'électricité dans les nuages. mais il ne le recommandait pas car "un tel fil est comparable à une lame tranchante, capable de causer les plus graves blessures en cas d'accident"

Note: La ligne et l'élastique suppriment la plupart des vibrations qui sont inévitables avec le fil métallique.

  MÉTHODOLOGIE
 
Il y a plusieurs détails dans la manière de procéder d' A. Batut qui laissent voir qu'il l'avait soigneusement imaginée et organisée. Regardons-en quelques uns.
   - enregistrer l'angle d'attaque du cerf-volant.
   - manière de lancer le cerf-volant par vent calme
   - aller plus haut avec un second cerf-volant
   - enregistrer la hauteur du cerf-volant avec la photographie de l'aiguille d'un baromètre anéroide.
   - comment se positionner pour atteindre son sujet?
   - comment stabiliser le cerf-volant au déclenchement? (voir ci-contre)
   - déployer une bande de papier pour savoir quand le déclenchement se produit.
 

 

 
A. Batut donne une description complète avec tous les détails de sa méthodologie dans son livre publié début 1890:
La photographie aérienne par cerf-volant.
Il explique comment réaliser un aterrissage sécurisé.
Il rapporte comment vérifier le temps de retardement du déclenchement et "marcher dans le même sens que le vent avec une vitesse suffisante pour que le cerf-volant ait une tendance à descendre. Dans ces conditions, il retrouvera la stabilité nécessaire à l'obtention d'une épreuve."
Il a aussi fournit des informations mises à jour dans un article publié dans La Nature, en janvier 1897.
Note: A cause de la ligne et de sa facilité à l'accrocher, il était facile de se déplacer pour re-cibler la photo et compenser les changements de vent.
APPAREIL PHOTOGRAPHIQUE
 
A. Batut a fabriqué une chambre à la fois légère et rigide. Il a décrit comment la faire.
L'objectif était un aplanat Steinhell de 166mm de focale utilisé à son ouverture maximale. Il donnait peu de déformation.  Batut l'a placé à l'intérieur de la chambre, le protégeant ainsi complètement.
  Le problème principal était la vitesse d'obturation. La plupart des appareils avaient des vitesses entre 1/10ème à quelques secondes. Durant cette période sont apparus les "instantanés" qui étaient des photos prises à des vitesses supérieures, de 1/10 au 1/50s. Seulement des appareils spéciaux avaient des vitesses allant du 1/100 au 1/150 s cependant les mesures des fabricants n'étaient pas fiables.
Arthur Batut a surmonté le problème en concevant, fabriquant et testant lui-même l'obturateur. Il était placé à l'extérieur de la chambre devant l'objectif. Tout autre solution avec une vitesse inférieure au 1/50s ne pouvait donner que des photos bougées.
 
Dans les années 1890, il y a eu des améliorations considérables dans l'industrie photographique avec des surfaces nettement plus sensibles. De ce fait de nouveaux obturateurs ont été construits avec des vitesses jusqu'au 1/250 s.
A partir de là, Batut a amélioré son équipement et utilisé un obturateur rotatif. Il a aussi modifié la suspension de l'appareil.
 
Voici deux reproductions montrant l'appareil et son évolution. La supérieure de son livre sorti en 1890 et l'inférieure de son article dans La Nature en janvier 1897.
 
 
 
 
 
Première conception de l'obturateur par Batut
 
Les améliorations de Batut
PLAQUES / FILM
 
Les surfaces photographiques n'étaient pas très sensibles. A part les plaques en verre, l'émulsion pouvait être appliquée sur du papier, ou sur des plaques souples..
A. Batut a utilisé les deux. Les plaques souples sont plus légères que les plaques en verre, mais il était plus difficile de les maintenir plates. Batut les fixait sur le fond de la chambre avec des bandes collées. 
La plupart des photographes développaient eux-mêmes. Batut était un fin photographe avec une bonne expérience. Il savait en obtenir le meilleur.
 
 
 
 
 
La faible sensibilité des émulsions nécessitait des poses longues. La plupart des épreuves étaient sur plaques de verre, certaines sur plaques souples ou directement sur papier. Le film en bande n'était pas encore utilisé. George Eastman a créé ses plaques souples en  1880 and le film en 1885. A cause de la technique, il n'y avait pas d'agrandissement, et ainsi, les dimensions de la chambre et de l'épreuve étaient grandes.
Il doit être noté que la photographie en couleurs était seulement expérimentale.
LE DÉCLENCHEMENT À DISTANCE
 
A. Batut avait le choix entre plusieurs techniques mais la plus part étaient lourds. Comme pour les autres parties, A. Batut préféra une solution légère. Il prit la plus légère et la plus sûre: le retardateur à mèche. Il fit des tests et le moment du déclenchement était mesuré et vérifié..
 
 
 
 
 
 Jusqu'à ce que l'électronique remplace tous les autres systèmes, la mèche a été utilisée par des générations d'aérophotographes, comme disait Batut "simple, primitif même, fonctionnant invariablement au moment exact que l'on a marqué d'avance"
INVENTION DE LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE AVEC CERF-VOLANT
 
Arthur BATUT a vraiment défriché l'aérophotographie et il est l' inventeur de la photographie aérienne par cerf-volant.
La première photographie connue est l'une des deux épreuves qu'il a envoyé à Gaston Tissandier en août1888.
Ensuite, la première publication relatant une photographie aérienne par cerf-volant est la chronicle de Tissandier dans le magazine hebdomadaire La Nature le 25 août
 Arthur Batut a rapidement amélioré sa technique. La photographie de Labruguière du 29 mars 1889 et publiée dans son livre est exposée ici. La ligne du cerf-volant est visible au bas de l'image.
 
 
Il n'existe aucune autre preuve justifiée sur l'invention de l'aérophotographie par cerf-volant. Toute autre sorte d'allégation d'invention avant 1888 est tout bonnement historiquement infondée.
 
 

 

 
PREMIÈRE  PHOTOGRAPHIE
 
La première photographie aérienne avec cerf-volant connue a été prise par Arthur Batut en mai1888.c'est une vue perspective de 8x10 cm, et, comme l'écrivait Tissandier, encore imparfaite.
Cette épreuve est conservée à l' ESPACE ARTHUR BATUT à Labruguière, Tarn, France. Elle a été intitulée par Batut "Le chemin et le ruisseau". Elle représente aussi une haie d'arbres et des meules de foin. La fenaison dans cette région se faisant de fin avril à fin mai, la date de cette vue est authentifiée. C'est la première photographie aérienne par cerf-volant en géomorphologie et en enquête agricole.
 
 
AUTHENTICITÉ  HISTORIQUE
 
Toutes les informations et toutes les données fournies sur cette page proviennent de documents historiques, ou d'informations et de données délivrées par les fondations préservant l'héritage historique. Elles ne sont pas basées sur les sources non vérifiées d'autres auteurs.
La véracité de ces informations est établie en tant qu'historique de la photographie aérienne par cerf-volant..
 
BRÈVE BIBLIOGRAPHIE
 
 ¤ LA NATURE articles parus 25 août 1887; 28 février  1888; 23 mars 1889; 15 mars 1890; 26 septembre 1891;  2 janvier 1897.
¤ La photographie aérienne par Cerf-volant, Arthur Batut, début 1890.
¤ KAPWA magazine, juillet 1986
¤  Labruguière, 1988
¤ Arthur Batut, Regards; S. Negre & S. Desachy, 2008
 
Espace Arthur Batut à Labruguiere, Tarn, France
Un aperçu historique à recommander sur le cerf-volant et sur l'aérophotographie dans les pages d'Andrea Casalboni.
 
LA PRIMAUTÉ D' Arthur BATUT
 
Il n'existe aucun doute historique sur la primauté d'Arthur Batut sur l'invention de la photographie aérienne par cerf-volant. Il y a des documents historiques, des faits rapportés par des témoins, beaucoup de photographies conservées et d'équipement pour le prouver.
Il est bien connu qu'une allégation d' E. Douglas Archibald en 1897 a été répandue depuis 1967. En 1986 KAPWA magazine a publié une investigation historique montrant que cette allégation n'avait pas été vérifiée et démontrant qu'il s'agissait d'une fausse-vérité.
 J'ai refait une nouvelle analyse des documents historiques. Cette investigation établit sans aucun doute possible la primauté d'Arthur Batut et son invention. Elle inclut toutes les références et tous les extraits des documents historiques.